Foursquare est un nom incontournable dans la sphère mondiale du Rhum. Encore très peu connue au début des années 2010, la distillerie compte aujourd’hui parmi les plus réputées au monde.

Comment la petite entreprise familiale du clan Seale a su s’imposer sur la scène internationale en seulement quelques années ? Récit d’un succès qui ne doit rien au hasard.

Entrée de la distillerie FoursquareLa Barbade et la famille Seale : une longue histoire

Si les Rhums Foursquare jouissent d’une renommée aussi importante que récente, les Seale ne sont pas des nouveaux venus dans l’univers du Rhum, loin s’en faut. Tout commence au 18ème siècle avec l’arrivée à La Barbade d’un Britannique du nom de William Seale. À cette époque, l’île fait partie de l’Empire de Sa Majesté. Sur place comme dans toute la Caraïbe, la culture de la canne à sucre et le précieux or brun que l’on en tire, tiennent une place de choix dans l’économie locale. William Seale entreprend alors, avec succès, de cultiver la canne pour en exporter le sucre.

Au début du 19ème siècle, le destin la famille prend un tournant lorsque John Seale fait construire une distillerie avec pour ambition de produire du Rhum. Dans les décennies qui suivent, les archives historiques se font rares et l’on ignore ce qu’il advient de la distillerie. En revanche, ce que l’on tient pour certain c’est que les Seale ont poursuivi la culture de la canne à sucre et le commerce du Rhum en tant que négociants jusqu’en 1926.

L’essor du négoce de Rhum

À cette date, Reginald Leon Seale fonde l’entreprise R. L. Seale & Co et commercialise une marque de Rhum qui porte le nom de Calypso. Fait intéressant, il était alors interdit à La Barbade pour les distilleries de Rhum de vendre directement leur propre production ! Ainsi, des négociants et des embouteilleurs se chargeaient de commercialiser les Rhums Barbadiens, aussi bien sur le marché local qu’à l’export.

En 1946, Reginald Clarence Seale, prend la suite de son père, avant de passer la main à son fils en 1969. Entre 1987 et 1989, une énième crise des cours mondiaux du sucre, met un terme définitif à la production sucrière des Seale qui se concentrent alors exclusivement sur leur activité de négoce de Rhum.

Arrivée de Richard Seale et construction d’une nouvelle distillerie

C’est en 1992 que Richard Seale rejoint l’aventure familiale et très vite, il va insuffler un vent de dynamisme. Il commence par racheter 2 marques bien connues des Barbadiens et des Britanniques : Old Brigand et Doorly’s. Son premier réflexe est de confier des échantillons des 2 marques à un laboratoire d’analyse chimique. Les résultats confirment son intuition : les produits sont exempts d’additifs. Richard Seale voit alors germer une idée en lui : construire une distillerie pour produire lui-même les Rhums qui alimenteront ces 2 marques et bien d’autres encore.

En 1995, il commence la rénovation de l’ancienne usine sucrière désaffectée pour la transformer en ce qui deviendra 1 an plus tard la distillerie Foursquare ! Aucun détail n’est laissé au hasard. Les alambics, à la configuration très atypique, nous y reviendrons, sont conçus par Richard Seale lui-même. Il fait fabriquer des pièces détachées par des fabricants en Écosse, en Italie ainsi qu’à La Barbade avant de procéder à leur assemblage. Ces appareils de distillation aux caractéristiques uniques vont permettre à la distillerie Foursquare de produire des Rhums avec une très grande précision. En 1996, le site est opérationnel et les premiers « jus » sortent des alambics.

Anatomie d’un outil de production

La distillerie Foursquare est probablement l’une des plus modernes des Caraïbes. Notamment grâce à un parc d’alambic peu commun. Quelle est donc cette configuration de production si particulière ? Foursquare dispose de 2 appareils bien distincts : un alambic à repasse et une multi-colonne. Le premier est tout à fait inhabituel car il est coiffé d’une petite colonne de rectification qui alimente un double retors (comme sur beaucoup de pot-stills jamaïcains) puis deux condenseurs. Ce montage tout à fait singulier garantit énormément de reflux tout au long de la distillation et donc un distillat très riche en goût.

La triple colonne, pour sa part, a été conçue pour fonctionner également en double colonne si nécessaire. L’appareillage fonctionne sous vide ce qui permet une bien meilleure efficience qu’une colonne traditionnelle. Ainsi avec « seulement » 40 plateaux, la multi-colonne parvient à couler un distillat qui peut monter jusqu’à 95%Vol d’alcool. À titre de comparaison il faut 75 plateaux pour obtenir le même rendement avec une colonne conventionnelle.

La « méthode Foursquare »

Richard Seale s’inscrit dans une tradition typiquement Barbadienne et assemble les « jus » de ses 2 alambics. Cet assemblage a lieu aussi bien avant qu’après vieillissement, en fonction du résultat souhaité. Si le parc de fût est majoritairement composé d’ex-fûts de Bourbon, la distillerie accueille également des anciens fûts de Porto, de Madère, de Xérès, etc. L’entonnage se fait à « bas » degré, généralement entre 68%Vol et 65%Vol afin de favoriser l’extraction des composés aromatiques du bois par le Rhum. En guise de point de repère, rares sont les producteurs de Rhum à entonner sous la barre des 70% Vol et nombreux sont ceux qui approchent les 80%Vol. Enfin, tous les produits estampillés Foursquare sont sans additif. Une exigence de transparence bienvenue, là où encore trop de Rhums optent pour des méthodes plus opaques.

Force est de constater que ce savoir-faire et ces choix de production paient. Inconnue du grand public dans les années 2000 et au début des années 2010 ; Foursquare est aujourd’hui une des distilleries les plus cotées au monde. Élue « Meilleur Producteur de Rhum de l’Année » consécutivement pendant 6 ans (2016 – 2021), ses embouteillages sont très régulièrement primés dans les compétitions les plus prestigieuses et les éditions limitées s’arrachent dès leur arrivée sur les étagères des maisons spécialisées.

Malgré ce succès unanimement salué, la distillerie Foursquare garde le cap et ne cède pas aux sirènes de la facilité. Une maison à suivre de très près donc ; et qui ne manquera pas de faire parler d’elle dans les années à venir, c’est certain !

Leave a Reply