Aujourd’hui, découvrez les secrets de l’AOC Martinique avec le blog de La Maison Des Rhums ! Si cette Appellation d’Origine Contrôlée est officiellement née le 5 Novembre 1996, sa genèse et son élaboration sont bien plus anciennes. Récit d’une figure de l’exception Française sur la planète Rhum !

 

Qu’est-ce qu’une AOC ?

L’AOC Martinique fait partie de la grande famille des AOC françaises. Pour bien comprendre de quoi il s’agit, commençons par donner la définition générale d’une AOC. « Une Appellation d’Origine Contrôlée est un label permettant d’identifier un produit dont les étapes de fabrication sont réalisées dans une même zone géographique et selon un savoir-faire reconnu. C’est la combinaison d’un milieu physique et biologique avec une communauté humaine traditionnelle qui fonde la spécificité d’un produit AOC, avec définition dans un cahier des charges. »

Logo AOC MartiniqueL’AOC Rhum Agricole de Martinique, une initiative Martiniquaise

Ce projet de longue haleine, qui demanda 24 années de travail, est né de la volonté des producteurs de Rhums de Martinique.

L’Histoire de la fabrication du Rhum est parsemée d’ouvrages scientifiques à destination des producteurs. En ce qui concerne les Rhums de Tradition Française, nous pouvons citer « Le Rhum et sa fabrication » publié par le pharmacien E-A Pairault qui, dès 1903, proposa une sorte de guide des bonnes pratiques sur les étapes de fermentation et de distillation en vue de produire du Rhum. Par ailleurs, dès 1905, une mise à jour des documents de douanes français permet de préciser l’origine du Rhum que l’on souhaite importer ou exporter.

Mais c’est en 1972 que les choses prennent une tournure bien plus formalisée avec la naissance de l’APPERAM. Cette « Association Professionnelle des Producteurs-Embouteilleurs de Rhum Agricole de la Martinique » est un projet émanant directement des Rhumiers de l’Île aux Fleurs. Leur but ? Assoir la reconnaissance de leur précieux nectar à l’international. Et ils souhaitent que les choses avancent vite…

 

Les premiers pas vers la reconnaissance

Champs illustrant le sort de la future AOC MartiniqueEn effet, dans les années 70 et 80, le marché du Rhum a du plomb dans l’aile. Les ventes sont en perte de vitesse en Métropole et la Loi, trop souple, permet d’apposer le mot Rhum sur une multitude de produits aux processus de fabrication très variés et à la qualité parfois douteuse. L’APPERAM va donc œuvrer pour dissocier le Rhum Agricole de Martinique de ses concurrents. Ainsi dès 1973, le Rhum Agricole de Martinique (et seulement lui !) décroche l’obtention du Label Rouge. Tant pis pour les Rhums de mélasse de l’Île qui se retrouvent exclus de la certification. D’ailleurs, un basculement historique s’est opéré en Martinique 10 ans plus tôt. En effet, à partir de 1963 la Martinique produit plus de Rhums de pur jus que de Rhum de mélasse.

Mais ce Label Rouge n’est qu’une première étape dans la reconnaissance du sérieux et de la qualité des méthodes d’élaboration du Rhum Agricole de Martinique. Et les membres de l’APPERAM visent plus haut : l’établissement d’une AOC sur le modèle du Cognac ou de l’Armagnac. Or, il va falloir dans un premier temps, se débarrasser d’un problème de taille. En effet, les prérogatives de l’INAO (l’Institut National de l’Origine et de la qualité, qui supervise l’attribution des AOC) s’arrêtent aux frontières de la Métropole ! Et dès 1980, les producteurs de Rhums Agricoles de Martinique se lancent dans une quête fastidieuse et alambiquée dans les méandres de la législation française pour étendre les pouvoirs de l’INAO jusqu’aux Caraïbes. Passée cette première embûche, le « vrai » travail peut enfin commencer : définir les critères d’obtentions de l’AOC Rhum Agricole de Martinique.

En tout et pour tout, il faudra près de 15 ans d’échanges et de réflexions pour parvenir à l’adoption des 2 premiers décrets du 5 Novembre 1996 qui officialisent l’AOC. Les critères d’obtentions sont en définitive assez directs : un produit à la qualité indéniable ; un caractère qui le distingue clairement des autres Rhums ; une zone de production bien délimitée ; une traçabilité des matières premières ; un contrôle qualité systématique. Pour l’anecdote, notez que le Rhum Agricole de Martinique obtient la première AOC attribuée à un alcool blanc et devient le premier produit labellisé en dehors de la Métropole.

 

Les grandes lignes du cahier des charges

Ce document encadre de façon très officielle ce que l’on peut et ne doit pas faire pour obtenir l’AOC. Il se base de façon assez stricte sur les pratiques historiques et documentées de la production du Rhum de pur jus de canne à la Martinique. En voici les points principaux :

Carte de la Martinique– les zones de plantation de canne autorisées s’étalent sur 23 communes

– le rendement est limité à 120 tonnes par hectare

– la coupe de la canne doit avoir lieu entre le 1er Janvier et le 1er Août

 

– la fermentation ne doit pas excéder 120 heures et le jus fermenté (ou vin de canne) ne peut pas titrer plus de 7,5%vol d’alcool

– la distillation doit obligatoirement se produire en colonne créole

– le titrage alcoolique en sortie de colonne doit se situer entre 65%vol et 75%vol

– le Rhum doit comporter un taux de congères (éléments non-alcool qui sont des constituants fondamentaux du goût final du produit) d’un minimum de 225 grammes par hectolitre d’alcool pur

– la mise en bouteille peut s’effectuer à la Martinique ou en Métropole pour les Rhums Blancs et les Rhums Élevés Sous Bois. Les Rhums Vieux, eux, doivent obligatoirement être embouteillés sur l’île

 

– le Rhum Blanc doit reposer un minimum de 6 semaines en cuve inox avant sa mise en bouteille

– le Rhum Élevé Sous Bois doit passer au moins 12 mois en foudre de chêne pour bénéficier de ce titre

– un VO nécessitera au moins 3 ans en fûts de chêne de mois de 650 litres, un VSOP 4 ans et un XO 6 ans

– aucun Rhum prétendant à l’AOC Martinique ne peut être étiqueté comme tel sans avoir au préalable été dégusté à l’aveugle par un panel de dégustateurs assermentés

 

Les limites de l’AOC

Ce cadre, assez contraignant, amène parfois certains producteurs à remettre en question l’AOC Martinique. Ainsi, si son cahier des charges exigeant a évidemment tiré les producteurs vers le haut dans les années qui suivirent son introduction, aujourd’hui le contexte est différent. Et certaines distilleries plaident pour un assouplissement au nom de la créativité.

Jusqu’à présent, le Syndicat de Défense de l’Appellation d’Origine Rhum Agricole de Martinique, n’a pas cédé aux sirènes de la modernité et a préféré rester prudent. Une situation qui pousse parfois des marques à embouteiller des Rhums hors de ce cadre légal. Des produits qui se retrouvent alors estampillés « Rhum des Antilles Françaises » et non plus « Rhum Agricole AOC Martinique ». C’est le cas par exemple de HSE dès lors qu’elle expérimente des Rhums élevés dans fûts qui ne sont pas autorisés par l’AOC (ex-Scotch Whisky tourbé notamment).

Dans les cas les plus extrêmes certaines distilleries de Martinique s’inscrivent intégralement en dehors de l’AOC. C’est le cas notamment des distilleries A1710 et Habitation Beau Séjour qui ont fait le choix d’une distillation en alambic à repasse plutôt qu’en colonne créole.

 

Ainsi prend fin notre tour d’horizon de l’AOC Rhum Agricole de Martinique ! À ce jour, elle reste un cas unique, car les autres DOM et TOM producteurs de Rhum ont préféré opter pour des IGP (Indication d’Origine Protégée). C’est le cas de la Guadeloupe, de la Guyane Française ou de La Réunion par exemple. L’IGP et son cadre plus souple, offrant plus de liberté à ceux qui s’y rattachent. Nul doute qu’il sera passionnant de voir l’évolution de ces 2 modèles dans les décennies à venir…

Dégustation d'un Rhum AOC Martinique

Marc Sassier, Président de l’AOC Martinique

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